Davide Balula

Clepsydre

June 22 - September 15, 2018

FRAC Poitou Charentes, Angoulême, France

www.frac-poitou-charentes.org/

Davide Balula, Flaques, 2008, verre et bois, ensemble de 3 pièces
ø : 300 cm, ø : 230 cm, ø : 150 cm
collection FRAC Poitou-Charentes
©Davide Balula, photo Richard Porteau

Réalisée dans le cadre de la première exposition personnelle de Davide Balula au Confort Moderne, cette oeuvre caractérise la pratique duelle et empreinte de poésie de l’artiste, entre bricolage et high tech, archaïsme et technicité. Matérialisation de l’onde provoquée par un ricochet dans une flaque d’eau, la sculpture (dans un équilibre délicat du verre posé sur le bois) saisit le moment où la flaque d’eau devient cratère de verre, emprisonnant l’instant, sa fugacité comme sa fragilité, tour à tour réfléchissant l’espace qui l’entoure ou l’absorbant par transparence selon le point de vue choisi.

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Clepsydre

Sur la façade de verre se reflète le « plus beau ruisseau du royaume » (Henry IV). Au pied du bâtiment coule la Charente, fleuve tranquille, qui a offert durant des siècles sa force égale et son cours paisible aux entreprises industrieuses et commerçantes de ses riverains. Au bout, l’océan, sa houle déferlante, ses courants, ses marées, ses abysses, ses ailleurs. Notre région a passé plus de temps comme fonds marin que comme terre émergée. En prévision des crues du fleuve, le bâtiment construit pour le FRAC Poitou-Charentes il y a dix ans a gardé libre sous sa dalle tout l’espace pour les flux et les reflux. Cette parcelle était jadis occupée par un hangar à bateaux. D’une maxime -« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve»- Héraclite désignait le changement absolu et perpétuel : tout change tout le temps malgré certaines apparences d’immuabilité. Et bien vaines sont donc les réalisations humaines qui visent l’éternité. Nos activités massives ont d’ailleurs déjà peut-être une incidence accélératrice sur la cadence de cycles ou processus jadis naturels. L’eau, nourricière ou dévastatrice soumet la vie à son abondance ou à sa pénurie. Elle donne le tempo de mutations fulgurantes ou de continuums apparemment infinis. Elle procure à l’humanité et à l’individu l’expérience de sa finitude. La clepsydre, horloge à eau, est donnée pour avoir été, il y a près de 4 000 ans, le premier système de mesure précise du temps qui s’écoule. 

Rocher de Delphine Coindet, artefact rapportant au solide une nature conceptualisée, est une image fragile et fongible, sculptée d’après un morceau de paysage numérisé. Par Amphibie, Paolo Codeluppi et Kristina Solomoukha traduisent l’impermanence des eaux autant qu’ils donnent une métaphore des voies incertaines de l’exploration, de l’étude, de la recherche et de la création. Rendue extrêmement tangible par sa volumétrie radicale et sa matière brute, sculpture-architecture à pratiquer, Light Cube House de Pierre Malphettes, est tout à la fois cabane de pêcheur, de clandestin, de zadiste, d’ermite et image lumineuse des états de précarité ou d’ascèse. Les Flaques de Davide Balula figent à portée d’humanité, de ricochets, et de pieds mouillés, le cycle de l’eau entre le ciel et les profondeurs. Inhumaine, déconcertante et d’une terrible beauté, La Mer, d’Ange Leccia impose ses pulsations sidérantes quand Le Fleuve de Muriel Toulemonde emporte à toute allure hors champ et hors temps, les corps, les cris et les vies de baigneurs insouciants. Boris Achour, quant à lui, cadre et séquence l’expérience de l’immersion en un autoportrait en apnée. L’agencement d’un tabouret et d’une simpliste maquette de maison au bord de l’eau suffit à Didier Marcel pour une saisissante évocation du vide, de la disparition (de la noyade ?) alors qu’une habile sculpture en papier mâché et ciment sur socle permet à Laurent Le Deunff, avec Conch, de nous rendre accessibles les merveilles zoologiques des grands fonds et leurs subsistances coquillères. 

Alexandre Bohn