Anne Le Troter

The four s : Family, Finance, Faith and Friends

2018

Anne Le Troter, The Four Fs : Family, Finance, Faith and Friends, 2018
Biennale de Rennes
cur : Céline Kopp et Etienne Bernard
Collection du CNAP

Anne Le Troter’s sound installations are filled with voices. In them, over the last few years, we have heard telephone interviewers reciting pre-written sentences, denturists stammering, and ASMR aficionados (a sonic relaxation technique) whispering in our ears. For the artist, for whom references come as much from literature as from the visual arts, speech is an area of investigation per se. In it, text is incarnated and created within a material mechanics of bodies. But if the mouth is present through stammering and dental care, A. Le Troter is interested above all in how language is formalized as norms (the slang of communities, so-called corporate vocabulary, scientific and psychoanalytical language), which organize the bodies.

For this new work titled The Four Fs: Family, Finances, Faith and Friends (2018), A. Le Troter became a client of a private sperm bank based United States and Europe. She was especially interested in the voices of the employees, whom the company asked to describe the physique and character of the donors, in order to round off their anonymous portrait. This portrait, aimed at facilitating the choice of clients in the catalogue, is created using a variety of factors: a photo of the donor as a child, the recording of his voice answering questions such as “Donor 5417 talks to us about the sort of thing that makes him happy”, the recording of the voice of the employee describing him, and, last of all, a thumbnail portrait summing up this information, titled “Get to know the donor”. For this installation, A. Le Troter gets us to push open the door of a refrigerated room with wall to wall curtains made of those small tubes specifically designed for the cryo-conservation of human sperm. Here, in this small room, hundreds of female voices have been compiled and mixed in a repetition of registration numbers and descriptive adjectives giving the impression of a nursery rhyme with strangely pre-teen overtones. In an aquarium, colored contact lenses move about in a comforting and attractive suspended state, while a looped slideshow of portraits echoes the mechanics of the voices. A. Le Troter lets us see and hear the cogs of the commercialization of our desires involving reproduction, resemblances and differences, uniqueness and success.

Céline Kopp


Les installations sonores d’Anne Le Troter sont peuplées de voix. Au cours des dernières années, on a pu y entendre des enquêteurs téléphoniques réciter des phrases pré-écrites, des prothésistes dentaires balbutier ou encore des aficionados de l’ASMR (technique de relaxation sonore) chuchoter à nos oreilles. Pour cette artiste, chez qui les références sont tout autant du côté de la littérature que des arts visuels, la parole est un champ d’investigation en soi. Le texte s’y incarne et s’y crée dans une mécanique matérielle des corps. Cependant, si la bouche est présente à travers bégaiements et soins dentaires, A. Le Troter s’intéresse surtout à la façon dont le langage se formalise en normes (jargons de communautés, vocabulaire dit « corporate », langage scientifique ou psychanalytique) qui organisent les corps.

Pour cette nouvelle production intitulée The Four Fs: Family, Finances, Faith and Friends [Les quatre F : Famille, Finances, Foi et Amitiés], A. Le Troter s’est intéressée aux banque de sperme. Elle s’est tout particulièrement intéressée aux voix des employé·e·s auxquel·le·s la firme demande de décrire le physique et le caractère des donneurs dans le but de compléter leur portrait anonyme. Destiné à faciliter le choix des client·e·s dans le catalogue, ce portrait est créé à partir de divers éléments : une photo du donneur enfant, l’enregistrement de sa voix répondant à des demandes telles que « Le donneur 5417 nous parle du type de choses qui le rendent heureux », l’enregistrement de la voix de l’employé·e le décrivant, et enfin, un paragraphe-portrait résumant ces informations intitulé « apprenez à connaître le donneur ». Pour cette installation, A. Le Troter nous fait pousser la porte d’une chambre froide où pendent des rideaux constitués de paillettes, ces petits tubes spécifiquement conçus pour une cryoconservation du sperme humain. Là, dans cette petite salle les centaines de voix féminines ont été compilées et mixées dans une répétition de numéros d’immatriculations et d’adjectifs qualificatifs donnant l’impression d’une comptine aux accents étrangement préadolescents. Dans un aquarium, des lentilles de contact colorées se meuvent dans une suspension rassurante et attractive, tandis qu’un diaporama de portraits tourne en boucle en écho à la mécanique des voix. A. Le Troter nous donne à voir et entendre les rouages de la commercialisation de nos désirs de reproduction, de ressemblances et de différences, d’unicité et de succès.

Céline Kopp